Le Traité cathare anonyme

In "Ecritures cathares" René Nelli, p217, écrit:
"Enfin qu'ils soient changés , c'est ce que dit l'apôtre aux Corinthiens:

Citation :

(15,51-52)Nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés, en un instant, en un clin d'oeil, au son de la trompette finale. Car la trompette sonnera, les morts ressusciteront incorruptibles et nous, nous serons transformés

.L'auteur du "Traité" explique  ainsi ce changement, ou plutôt  cette transformation:

Citation :

Et" ce changement est un changement à la droite du Très-Haut"

. reprenant le psaume 76,11 qui dit exactement:

Citation :

Voilà ce qui me blesse: elle est changée la droite du Très- Haut

.
.

(suite) Ce texte est vraiment sibyllin pour moi. Je ne comprends pas exactement ce qui définit le "nous", ce qui le distingue de "ceux qui mourront".
Ce "nous" correspond-il aux Esprits éveillés qui pourront connaitre le salut final par le mariage mystique, et ceux qui mourront sont-ils ceux dont l'Esprit non éveillé devra subir une nouvelle transmigration? J'avoue être perdue. . .

Et oui, la résurrection est pour ceux qui se seront éveillés afin d'être digne de la grâce divine.

Lors des premières décennies de l'ère chrétienne, les premiers chrétiens pensaient que la fin des temps était proche. De ce fait l'Apôtre envisage que d'ici à la fin des temps, certains d'entre eux meurent mais que certains soient encore en vie. Ainsi, il précise que ceux qui sont morts ou qui mourront d'ici là, ressusciteront, et que ceux qui seront encore en vie, seront seulement changés. Changé à la droite du Père, c'est à dire changé en bien. Le commentaire concernant la droite du Très-Haut qui aurait changée, rappelle que les humains sont trompés par Satan qui leur fait croire qu'il est le Très-Haut. C'est en cela que la droite du Très-Haut est changée car elle est usurpée par Satan. Jean-Paul

Très bien vu.

Citation :

En premier lieu: nous honorons au plus haut point le Dieu suprême et vrai, le Père tout-puissant, par qui, comme nous le lisons (dans l'Ecriture) et comme nous le croyons- ont été faits le ciel, la terre, la mer et tout ce qui y est compris (Ps 145,6) selon ce que confirment les témoignages des prophètes et que démontrent plus complètement encore les autorités du Nouveau Testament

. Je ne vous cacherai pas que pour une néophyte cathare ces paroles peuvent être au premier abord plus que déstabilisantes. Ayant fait mienne l'idée que Dieu n'est pas créateur de ce monde (car périssable) mais  seul "producteur" du Bien éternel et absolu, cette phrase d'introduction au traité n'a aucun sens; Elle aurait pu être écrite par un cathare monarchien,( car pour eux Dieu était bien créateur de ce monde, c'est son ange déchu qui amena le Mal sur terre) mais le doute n'est pas permis car René Nelli signale dans sa notice que ce traité " se présente comme une suite de citations scripturaires, interprétées selon l'esprit du dualisme absolu". Pour pouvoir bien comprendre ce Traité il faut donc le voir comme le" double langage" utilisé par les prédicateurs du Moyen-Âge qui devaient reprendre les Ecritures,(seule référence alors possible car connue de tout auditeur) pour pouvoir présenter leur propre théologie. Consciente de ce fait, j'ai pu "déguster" pleinement   la profondeur de cette démonstration dont la facture est,  me semble t-il  bien proche de celle de Jean de Lugio dans son "Livre des deus principes": une réflexion  basée sur un raisonnement philosophique, appuyée par des références néotestamentaires (notamment les épîtres de Paul et l'évangile de Jean) pour arriver à la démonstration des erreurs contenues dans les écrits de l'A T. Je ne résiste pas plus longtemps à la tentation de reproduire ici les paroles qui m'ont le plus émue dans ce Traité, notamment dans les chapitre s 12 et 13 qui traitent du terme universel :omnia "toutes choses" et du

Citation :

nihil

ce dernier sujet  ayant inspiré les apôtres et tant d'esprits encore, aujourd'hui comme hier. Je ne résiste pas plus longtemps à la tentation de vous faire part ici des paroles qui m'ont le plus "touchée" dans ce Traité en essayant de bien respecter la logique implacable de ce  propos.

Citation :

Mais comme trop de personnes ignorent ce que la Sainte Ecriture désigne par toutes choses

, nous disons, nous, avec vérité, que généralement tout ne signifie que les choses bonnes et spirituelles, mais quelquefois aussi: seulement les mauvaises et les péchés. L'auteur cite Paul (Phil3,

Citation :

J'ai regardé toutes choses comme une pure perte (les choses considérées auparavant comme avantageuses) et comme des ordures, afin de gagner Jésus-Christ  

.Il s'appuie aussi sur le Livre de la Sagesse (Si 42,25)

Citation :

Toutes choses sont doubles: l'une est opposée à l'autre

. C'est encore les écrits de Paul qui permettent d'aller plus loin dans la démonstration:(1 Co 13,1-13)qui se termine ainsi:

Citation :

A présent ma connaissance est limitée, alors je connaitrai comme je suis connu; maintenant donc ces trois -là demeurent, la foi l'espérance et l'amour, mais l'amour est le plus grand

.Et, surtout:

Citation :

S'il me manque d'amour, je ne suis rien

.L'auteur peut conclure:[quote][D'où il est évident que si l'apôtre sans la charité (l'amour) est néant, tout ce qui est sans charité est néant/quote]. CQFD. De même l'Evangile de Jean est essentiel pour comprendre cette notion "mystérieuse" de nihil néant: (1,3-4)

Citation :

Tout fut par lui, et rien de ce qui fut, ne fut sans lui. En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes,. . .

.Ce qui prouve nous dit l'auteur de ce Traité que Jean " a voulu parler des choses spirituelles et bonnes; c'est ce qu'il ajoute tout de suite après: "Ce qui a été fait en Lui était la vie". Et c'est finalement avec les paroles de Jean que se clôt cette démonstration sans appel sur la création du monde/

Citation :

Si toute créature de Dieu est bonne; si le monde, comme certains le prétendent, est la création de Dieu, ainsi que tout ce qu'il comprend, pour quelle raison serait-il défendu de les aimer? Or, Jean nous défend de les aimer. Si, donc, il ne faut pas aimer le monde, s'il ne faut pas aimer les choses qui s'y trouvent, il ne faut pas dire qu'ils sont de Dieu

.
.

C'est stimulant de progresser dans la connaissance, non ?

Oh! Oui! Mais je ne suis pas contente de moi au sujet de la présentation! Quand j'ai voulu corriger mes erreurs, c'était trop tard. La précipitation est bien un mal de ce siècle que j'ai du mal à gérer. . .
En tout cas, je commence à comprendre pourquoi on disait que nos ancêtres cathares pouvaient être de redoutables orateurs face à leurs adversaires!

Chantal a raison de faire un parallèle entre Le Traité Cathare (notamment à partir du paragraphe XI et suivant) et Le Livre Des Deux Principes de Jean De Lugio (notamment le chapitre "De la création".
Pour moi aussi la lecture de ces textes est ardue. Mais je garde à l'esprit le principe selon lequel un bon arbre ne peut produire que de bons fruits et inversement un mauvais arbre ne peut en produire que de mauvais. Ainsi lorsqu'il est écrit "Toutes choses" en parlant du Bon Dieu Vrai Dieu, il ne peut s'agir que des bonnes choses et quand "Toutes choses" est employé à propose du malin, il ne peut s'agir que des mauvaise choses. Rarement "Toutes choses" désigne à la foir les bonnes et les mauvaises.
Lorsqu'on lit que le Bon Dieu Vrai Dieu est le créateur de toutes choses, du ciel et de la terre et de tout ce qu'ils contiennent, il ne peut s'agir que de la bonne création spirituelle et du ciel nouveau et de la terre nouvelle qui nous sont réservés au Royaume. Jean-Paul

Je suis tout à fait en accord avec votre dernière phrase et je dois avouer que cette idée m'aide à supporter ce paradoxe qui m'habite. Prisonnière de mon amour pour "toutes choses" du monde naturel, et en même temps pratiquant la méditation "Car nous ne sommes pas du monde, et le monde n'est pas de nous", j'ai souvent l'impression désagréable de marcher au-dessus du vide. C'est le concept de cette "bonne création spirituelle" que nous désirons retrouver , et que j'imagine alors forcément encore plus belle et surtout parfaite, qui m'aide à me défier de mon âme (mondaine) qui elle se refuse à distinguer les vrais "bonnes choses" des fausses.

Je suis impressionné par la qualité de vos analyses, surtout quand on pense qu'en 2000 ans elle a complètement échapéé aux groupes judéo-chrétiens. Bravo, mais surtout ne vous arrêtez pas en si bon chemin.

Le chemin est trop beau pour ressentir l'envie de le quitter.