Père Saint

Bonjour chère Chantal,
Je partage totalement ton avis et tes impressions sur cet extrait du "Père Saint".
Je pense cependant que notre ami gnostique devrait ajouter que cette supplique centrée sur la connaissance et l'amour n'est pas que typiquement cathare, ou me fourvoie-je?
Bonne journée !

J'approuve ton analyse Chantal et puisque nous n'avons pas pu profiter de ta présence hier au CA, je me permet de te demander si tu penses venir au Sautel à Pentecôte, auquel cas je te confierai la lecture du Père saint.

Cette confiance me touche profondément, et en même temps je ne me sens pas à la hauteur...

Chère Chantal, tu en es digne, j'en suis certain, et tu seras entourée de gens bienveillants

Je me permets en toute modestie de vous soumettre un premier jet de du travail personnel que j'ai fait sur le Père Saint. Dans l'esprit de l'intérêt des forums toute suggestion sera la bienvenue. Jean-Paul

LE “PÈRE SAINT”:

J’ai recherché dans l'évangile selon Saint Jean et dans les Épîtres, les textes qui auraient pu inspirer la rédaction du Père Saint.

Père saint.

Cette adresse de prière est présente dans l’évangile selon Saint Jean dans la prière de Jésus précédant son arrestation.
“Je ne suis plus dans le monde;
Eux sont dans le monde,
Et moi, je viens vers toi.
Père saint,
Garde-les dans ton nom que tu m’as donné,
Pour qu’ils soient un comme nous.
(Jn 17 11)
Un peu plus loin dans cette même prière, se trouve l’adresse “Père juste”.
“Père juste,
Le monde ne t’a pas connu,
Mais moi je t’ai connu
Et ceux-ci ont reconnu
Que tu m’as envoyé.
(Jn 17 25)

Dieu juste (ou légitime) des bons esprits,

Dans le Livre des deux Principes (Traité du libre arbitre) au paragraphe De la bonté, de la sainteté et de la justice de Dieu, il est écrit :” Que le Seigneur, notre Dieu, soit bon, saint et juste, comme il vient d’être dit, cela est clairement prouvé.”
Dieu est qualifié de “juste” dans la première épître de Saint Jean.
“Si nous confessons nos péchés,
Lui, fidèle et juste,
Pardonnera nos péchés
Et nous purifiera de toute iniquité.”
( 1 Jn 1 9)
“Si vous savez qu’il est juste,
Reconnaissez que quiconque pratique la justice est né de lui.”
( 1 Jn 2 29)
L’affirmation qu’il soit le Dieu des bons esprits est proclamée dans l’épître aux éphésiens au travers de cette description du Royaume et des bons esprits présents dans l’amour de dieu dès avant la fondation du monde.
“Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ,
Qui nous a bénis par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ.
C’est ainsi qu’Il nous a élus en lui, dès avant la fondation du monde,
Pour être saints et immaculés en sa présence dans l’amour,
Déterminant d’avance que nous serions pour Lui des fils adoptifs par Jésus Christ.”
(Ep 1 3-5)

Qui jamais n’a failli (ou trompé),
“Non certes que la parole de Dieu ait failli. Car tous les descendants d’Israël ne sont pas Israël.”
(Rm 9 6)

Ni menti,
“dans l’espérance de la vie éternelle promise avant tous les siècles par le Dieu qui ne ment pas.”
(Tt 1 2)

Ni erré, ni douté,
“tout don excellent, toute donation parfaite vient d’en haut et descend du Père des lumières, chez qui il n’y a aucun changement, ni l’ombre d’une variation.”
(Jc 1 17)

Les éléments ci-dessus attribuent à Dieu des qualités en creux exprimées par des négations. Ces négations s’adressent plus au récitant de la prière qui doit s’assurer de ne pas faillir, ni mentir, ni errer, ni douter dans sa foi, qu’à Dieu car Il est au dessus de toutes louanges.
De même, dans la prédication de Pierre Authié (Déposition de Pierre Maury devant Jacques Fournier) : “et moi je te mettrai dans la voie du salut de Dieu, si tu veux me croire, comme le Christ y a mis ses apôtres qui ne mentaient ni ne trompaient”

De peur d’éprouver la mort au nom du dieu étranger,

La mort évoquée ici est celle de ceux qui sont esclaves du péché ou prisonniers de la Loi ou ceux qui sont mortels de par leur corps.
“Quand vous étiez esclaves du péché, vous étiez libres à l’égard de la justice. Quel fruit recueilliez-vous alors d’actions dont aujourd’hui vous rougissez? Car leur aboutissement, c’est la mort. Mais aujourd’hui, libérés du péché et asservis à Dieu, vous fructifiez pour la sainteté et l’aboutissement, c’est la vie éternelle. Car le salaire du péché, c’est la mort; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur.”
(Rm 6 20-23)
“Ainsi mes frères, vous de même vous avez été mis à mort à l’égard de la Loi par le corps du Christ pour appartenir à un autre, à Celui qui est ressuscité d’entre la morts, afin que nous fructifiions pour Dieu. De fait, quand nous étions dans la chair, nos passions pécheresses qui se servent de la Loi opéraient en nos membres afin que nous fructifiions pour la mort. Mais à présent nous avons été dégagés de la Loi, étant morts à ce qui nous tenait prisonniers, de manière à servir dans la nouveauté de l’esprit et non plus dans la vétusté de la lettre.”
(Rm 7 4-6)
“Malheureux homme que je suis! Qui me délivrera de ce corps qui me voue à la mort?”
(Rm 7 24)

Cette mort ne peut pas être éprouvée au nom du Bon Dieu Vrai Dieu et ne peut être éprouvée qu’au nom du faux dieu ou dieu étranger au monde spirituel.
“Que nul s’il est éprouvé, ne dise : “C’est Dieu qui m’éprouve.” Dieu en effet n’éprouve pas le mal, il n’éprouve non plus personne. Mais chacun est éprouvé par sa propre convoitise qui l’attire et le leurre. Puis la convoitise ayant conçu, donne naissance au péché et le péché, parvenu à son terme, enfante la mort.”
(Jc 1 13-15)



Celui qui écoute la parole du Christ échappe à cette mort.
“En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient pas en jugement mais il est passé de la mort à la vie.
En vérité, en vérité, je vous le dis, l’heure vient - et c’est maintenant - où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront.”
(Jn 5 24,25)

Car nous ne sommes pas de ce monde et ce monde n’est pas de nous,

“Si le monde vous hait, sachez que moi, il m’a pris en haine avant vous.
Si vous étiez du monde, le monde aimerait son bien; mais parce que vous n’êtes pas du monde,
Puisque mon choix vous a tirés du monde, pour cette raison le monde vous hait.”
(Jn 15 18-19)
“Je leur ai donné ta parole et le monde les a haïs, parce qu’ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde.”
(Jn 17 14)

Le monde n’est pas de nous, car il appartient au Prince de ce monde.
“C’est maintenant le jugement de ce monde; maintenant le Prince de ce monde va être jeté dehors;”
(Jn 12 31)
“Pourtant, c’est bien de sagesse que nous parlons parmi les parfaits, mais non d’une sagesse de ce monde ni des princes de ce monde, voués à la destruction.”
(1Co 2 6)

Donnes-nous à connaître ce que tu connais,

Dieu est prié de faire connaître celui qu’il a envoyé et le message de celui qu’il a envoyé.
“Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi je t’ai connu et ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé.
Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux.”
(Jn 17 25-26
“Jésus dit alors aux juifs qui l’avaient cru :
“Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, et vous connaitrez la vérité et la vérité vous libérera.”
(Jn 8 31-32)
“Il nous a fait connaitre le mystère de sa volonté, ce dessein bienveillant qu’Il avait formé en lui par avance.”
(Ep 1 9)
“Daigne le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père de la gloire, vous donner un esprit de sagesse et de révélation qui vous le fasse vraiment connaitre!”
(Ep 1 17)

Et à aimer ce que tu aimes.

“Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour est de Dieu et quiconque aime, est né de Dieu et connait Dieu. Celui qui n’aime pas, n’a pas connu Dieu car Dieu est Amour.”
(1Jn 4 7)

Cette dernière citation éclaire bien les deux dernières suppliques de la prière. En fait, si tu aimes, tu connais et si tu connais, tu aimes.

C'est très bien. L'ambivalence du terme juste, qui désigne la droiture par rapport à un domaine identifié, avait poussé Marcion à conserver ce terme pour le démiurge qui est juste dans son empyrée et à utiliser bon pour le principe du Bien.

Ce travail effectué par Jean-Paul nous donne à entrevoir la richesse spirituelle (peut-être bien infinie) qui est contenue dans cette évangile dit de Jean.

Merci beaucoup, cher Jean-Paul, de cette exégèse qui pousse à relire d'un œil neuf et attentif le Nouveau Testament.

Au cours de mes récentes relectures, j'ai aussi noté que l'expression "Père Saint" apparaît systématiquement pour qualifier Dieu dans les quatre premiers paragraphes de la prédication de Jacques Authié (Déposition de Pierre Maury devant Jacques Fournier), pp 334 et 335 de l'édition de 2011 d'"Ecritures cathares" de René Nelli.

Le "Dieu étranger" est cité dans le titre d'un des chapitres de "l'Abrégé pour servir à l'instruction des ignorants", qui fait partie du "Livre des Deux Principes" de Jean de Lugio, de la façon suivante : "Du Dieu étranger et de beaucoup d'autres dieux".

Dans le développement de ce chapitre, Jean de Lugio fait référence :
- à un extrait de Jérémie (Jr 5,19) "Comme vous m'avez abandonné pour adorer un dieu étranger dans votre propre pays, ainsi vous serez assujettis à des étrangers dans une terre étrangère";
- ainsi qu'au Psaume de David 80, 9-10 "Ecoutez, mon peuple, et je vous attesterai ma volonté. Israël, si vous voulez m'écouter, vous n'aurez point parmi vous un Dieu nouveau et vous n'adorerez point un Dieu étranger";
- et à David 43,21 "Si nous avons oublié le nom de notre Dieu, et si nous avons étendu nos mains vers un Dieu étranger, Dieu n'en redemandera-t-il pas compte?" Il mentionne ensuite d'autres extraits de l'Ancien Testament mentionnant des "dieux étrangers".

Sans compter Paul qui avait dit aux philosophes corinthiens que leur stèle dédiée à un Dieu inconnu était en fait parfaitement compatible avec son Dieu.

Merci pour vos compléments que j'ai inséré dans mon texte en mentionnant les auteurs. Je poursuis ma recherche dont le véritable intérêt est en fait de me conduire à relire le nouveau testament. Jean-Paul

Depuis environ deux ans  que je pratique cette prière, je peux dire aujourd'hui qu'elle m'a définitivement libérée de mes «T.OC» ou autres rituels de païenne. En effet, elle est devenue mon seul« rite», mais «rite» n'est peut-être pas le terme approprié si on le définit dans le temps, étant donné mes problèmes avec ce dernier. 
Légère comme une comptine, profonde comme un poème, cette prière peut surgir à n'importe quel moment de la journée dans mes pensées. Si je l'oublie le matin, elle jaillira soudainement n'importe quand, matin comme soir, et je la réciterai pensivement plusieurs fois.
Si je suis seule, elle m'apporte très vite la paix intérieure nécessaire à la méditation. Si je suis en société, je peux me trouver agacée d'être interrompue dans ma récitation mentale.  
J'ai beaucoup réfléchi sur la prière après de longues années de refus agnostique; je me suis sentie coupable de pratiquer «Le Père Saint» le plus souvent dans des situations  en demande d'aide à Dieu et qui me faisaient alors penser ma foi comme fausse. 
Aujourd'hui, je ne veux plus perdre de temps dans ces vaines cogitations et désire vraiment me laisser porter et faire confiance à cette foi telle qu'elle est, et  même si je ne la connais pas bien je ne tente plus de l'analyser. Je sais juste qu'elle vient du cœur puisqu'elle devance ma tête.
Je comprends seulement maintenant que cette prière est plus qu'un simple rite et lorsqu'elle m'arrive je la reçois comme le témoin toujours bienveillant et sans calcul de cette foi. Finalement, je ne suis que la  simple vestale  de cette petite flamme née je ne saurai dire quand, parfois vacillante mais pourtant inextinguible, et qui m'habite heureusement depuis près de deux ans.

Chère Chantal,
je n'aurais pas mieux dit et le "Père Saint" a exactement le même effet sur moi.

Super, Pierre! Comme on se sent léger quand on partage!

« Par peur à venir trouver la mort dans le monde du Dieu étranger»:
 Je sais que ma mort s'inscrit dans ce monde, et la peur est indéniable. Cette peur induit donc la requête qui immédiatement la suit: « Donne-nous de connaître ce que tu connais et d'aimer ce que tu aimes». Cette requête, à son tour sous-tend une solution contre la peur: si j'acquiers la connaissance spirituelle essentielle et entre dans l'Amour de Dieu, la peur de la mort disparaîtra . Car la mort sera libération , retour vers l'Unité du Bien. C'est aussi, je pense, ce même message  énoncé ainsi par Marc, 8,35-36 qui m'a longtemps embarrassée: « En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Évangile, la sauvera».
 Connaissance et Amour de Dieu, les indispensables pour faire sa bonne fin.
Voilà aujourd'hui comme j'espère ma bonne fin.

Je serai certainement angoissé, à moins que la camarde ne me fauche soudainement, mais je n'ai plus peur car je sais que, si ce n'est pas cette fois-ci et même si mes prochaines tuniques de peau ne trouvent pas la voie de l'éveil, ma parcelle d'esprit retournera au Père à la fin des temps.

Fort de cette conviction solidement ancrée, je poursuis sereinement sur la voie de Justice et de Vérité, à une vitesse de croyant qui m'est propre. Je ressens depuis longtemps que je ne suis pas de ce monde, je m'astreins à faire le moins de mal possible, tout au moins consciemment, et je m'adapte progressivement aux astreintes découlant de la voie, sans en faire un tourment, mais par discipline délibérément consentie.

Et je me récite régulièrement le Père Saint ainsi que le benedicite seigneur Dieu, père des bons esprits, aide nous dans tout ce que nous voudrons faire, pour garder le cap.