Rituel et sacrement, qu'es acco ?

La tendance naturelle, quand l'homme s'intéresse aux pratiques rituelles et sacramentelles, est de les intellectualiser.
C'est bien entendu une erreur. La spiritualité s'exprime dans la sphère intime et s'organise par le biais de rituels qui n'ont pas d'autre fonction que de gérer le déroulement d'une phase spirituelle plus concentrée que le reste du temps. Il n'y a donc pas de justification à l'intellectualiser, bien au contraire. Si l'on prend le rituel de l'Amélioration ou celui des Heures, l'alternance de temps d'oraison et de prosternations (venias) ne servent qu'à temporiser ces temps. Ils doivent donc s'enchaîner sans délai et les prosternations n'ont pas vocation à devenir elles-mêmes des rituels. Elles ne doivent donc pas s'éterniser.
Un sacrement est, au contraire, un temps de communication de l'Église vers son auditoire, destiné à manifester un changement important au sein de la communauté. C'est très visible chez les catholiques (baptême, confirmation, mariage, funérailles), mais aussi chez les cathares où la Consolation est répétée à chaque moment important (prise de fonctions : baptême d'esprit, fils mineur ou majeur, évêque, etc.). Le sacrement contient des temps rituels et des temps de communication.

Pour faire suite à mon propos, je voudrais rappeler les différents temps spirituels cathares.
On peut les détailler ainsi :
- l'Amélioration (ex Melhorer ou Melioramentum) qui marque les premiers et derniers échanges entre chrétiens et croyants d'une part, ou chrétiens entre-eux (ancien, diacre, évêque, etc. et autres chrétiens).
- les Heures qui rythment les journées des communautés évangéliques.
- le caretas (baiser de paix) qui se pratique en fin de rituel (Amélioration, Heures) entre chrétiens, entre chrétiens et croyants ou entre croyants. On peut s'interroger sur le terme rituel en l'occurrence, car il s'agit plus d'une pratique d'appartenance comme les Jours ou les carêmes.
- la transmission de la sainte Oraison dominicale qui marque le moment où le novice est autorisé à prononcer le Pater. Pour moi ce n'est pas un rituel à proprement parler.

Au  Moyen-Âge, la transmission de l'Oraison était habituellement liée à la Consolation et constituait ainsi un seul sacrement. En effet, ce que les historiens ont appelé rituel marque un temps d'évolution d'un novice qui est affirmé par la communauté évangélique à destination de la communauté ecclésiale. Il comporte en outre un temps d'admonestation. Cela lui donne toutes les caractéristiques d'un sacrement. Voilà pourquoi je rechigne à l'appeler rituel.

Entre le fait de comprendre le rituel de l'amélioration et celui de le pratiquer de manière naturelle, sans intellectualiser, ( et j'ajouterai même de façon sereine, en tout cas pour moi), il y a encore de la marge. Je cafouille à chaque Amélioration et ça m'agace beaucoup. Mais même si je ne parviens pas vraiment à analyser les raisons de ce cafouillage, je ne désespère pas de progresser.
Pour le Père Saint, c'est tout à fait différent, aucune intellectualisation, c'est comme un élan du cœur   ,une pensée libre qui échappe à ma volonté.

C'est effectivement l'intellectualisation qui favorise le cafouillage, même si ce n'est pas l'unique cause (la mémorisation joue aussi un rôle). Lors d'une Amélioration il faut enchaîner sans répit (trop favorable à la réflexion), les gestes et les dits. L'erreur est aussi de prolonger la prosternation qui casse le rythme d'ensemble, or dans un rituel le rythme compte pour beaucoup : voyez les bouddhistes devant leurs moulins à prière.