Le prénom du nouveau consolé

Lors de la Consolation, le prénom cité au début de l'admonestation de l'ancien ou de l'évêque est celui que le novice s'est choisi pour entrer dans la communauté évangélique.
Comme on le voit chez les Pauliciens, la tradition est de choisir un prénom lié à un personnage que l'on prend comme référence. Il est donc différent de celui reçu dans l'enfance. Cela permet aussi de marquer clairement la rupture entre la vie dominée par le monde qui était le nôtre et celle, dominée par l'Esprit, dans laquelle nous aspirons à vivre. Mon choix personnel fait référence à Guilhem Bélibaste, le dernier chrétien cathare qui fut fort défaillant dans sa charge, car je me sens moi aussi très fragile dans ma mission.

Et ce prénom marque la continuité entre le dernier consolé connu en Occitanie et le premier nouveau revêtu de notre ecclésia.

La continuité apostolique n'est pas celle des hommes, mais celle de la spiritualité. Comme les catholiques qui ont connu quelques ruptures dans leur hiérarchie (anti-pape, etc.), le catharisme a connu des périodes de repli dont la plus importante a en effet duré environ sept siècles. Le choix du prénom est plus lié à l'imperfection ressentie qu'à la volonté de lancer un pont au-dessus des siècles.

Mais ce pont au-dessus des siècles est une image symbolique si heureuse. Avec Jean ( encore, lui) on sait que le vent (l'esprit) n'a cessé de souffler entre les deux Guilhem, et que sa voix ne s'est jamais tue, même si on" ne sait ni d'où il vient, ni où il va", et ça c'est vraiment rassurant!

Allez-y mollo sur la pommade, merci.

Question : les archives médiévales indiquent-elles si les frères Authier, Guilhem Bélibaste, Guilhabert de Castres et autres consolé-e-s ont adopté un nouveau prénom ou s'ils-elles ont conservé leur prénoms originels?

Guilhem était bien la prénom de naissance de Guilhem Bélibaste d'après mes lectures . Mais ce changement de prénom est-il vraiment une obligation ou seulement un choix?

Les documents dont nous disposons ne permettent pas de connaître précisément le nom de Consolation de Guilhem Bélibaste. Le prénom Bernard qui lui est parfois attribué est-il ce dernier ou un simple pseudo destiné à cacher son identité, nul ne peut l'affirmer.
Le choix d'un prénom de baptême visant à remplacer celui qui nous a été imposé à la naissance ou par l'Église précédente ne peut être vécu comme une obligation, pas plus que d'entrer en vie cathare n'en est une : c'est un choix d'affirmation de l'état que nous voulons rejoindre.

Merci de ces précisions, cher Guilhem. Ce choix d'un prénom de baptême cathare est-il attesté dans les archives? J'imagine que oui

Ce sujet est très intéressant; dans certains cas (le prénom Pierre me vient à l'esprit, je ne sais pas pourquoi) le doute sur un possible changement peut surgir, car il était porté par des personnes de référence absolue dans la religion cathare. Dans mon cas, je ne me souviens d'aucun consolé célèbre portant le prénom José, bien que je me trompe peut-être. Et le personnage de Joseph père de Jésus ne semble pas non plus être une référence cathare claire - dans la mesure où les cathares parlaient plutôt du Christ. Un autre problème est que d'autres personnes qui pourraient être prises comme référence -Niketas, Guilhabert de Castres, etc- ont des prénoms aujourd'hui archaïques. Ce problème existe aussi chez les femmes : Esclarmonde de Foix, Géralda de Lavaur...
En tout cas, comme chez les Pauliciens, on peut toujours se tourner vers les apôtres, dont le prénom, pour des raisons évidentes, ne sonne pas étrange de nos jours (sauf Judas, bien entendu ! )

P.D.: Excusez-moi de ne pas intervenir beaucoup ces jours-ci dans le forum, mais je ne suis pas très en forme à cause d'une mauvaise grippe

Bon rétablissement, cher José.
Guilhem ou Guilhabert ne sont pas des prénoms d'apôtres, donc je suppose que le choix du prénom est relativement large.
Dans les lettres de Paul, on trouve des prénoms tels que Théophile ou Priscille, certes un peu datés, mais toujours portés.

Pierre de Montech a écrit:

Merci de ces précisions, cher Guilhem. Ce choix d'un prénom de baptême cathare est-il attesté dans les archives? J'imagine que oui

Le problème est que nous n'avons pas de sources qui nous donnent des exemples concret de changement de prénom ; soit nous avons des prénoms associés à une mention de lieu qui donnent à penser qu'il s'agit d'un prénom de baptême cathare, soit nous avons des prénoms de la période tardive qui sont inchangés. En outre les historiens utilisent les noms de naissance (ex. Benoît de Termes) sans que l'on sache si le prénom est de naissance ou de Consolation.

Et chez les Pauliciens? Il semble que ce soit plus clair, d'après vos commentaires.

Tout à fait, l'équivalent des consolés prenaient un prénom issu de l'entourage de Paul.

Le premier Paulicien, Constantin qui vivait à Mannanalis, prit le prénom de Silouanos (Sylvain), compagnon de Paul.

Ses épîtres deviennent de ce fait un bon almanach des prénoms pour consolé-e-s

Guilhabert de Castres est un évêque cathare connu, notamment pour avoir "disputé" avec les catholiques et avoir obtenu la remise en état du castrum de Montségur, a un nom qui pourrait être cathare, mais on n'a pas de preuve précise à ce sujet.

Autre personnage cathare important sur lequel s'élèvent des doutes onomastiques : Jean de Lugio (Ioannis de Lugio Bergamensis selon Rainier Sacconi). A-t-il pris le prénom de Jean lorsqu'il a été baptisé d'esprit, ou a-t-il gardé son prénom de naissance ? Les sources ne nous permettent pas de le savoir, même si comme il est associé à une mention de lieu on peut conjecturer qu'il s'agit d'un nom de Consolation.

Absolument, d'autant qu'à l'époque la noblesse portait des noms de lieux ce qui peut conforter le doute.

Je me demande si la mention du lieu (nom de la terre possédée, duché, comté, etc) dans le nom des seigneurs reprise par les cathares du Moyen-Âge fut liée au fait que la majorité des ministres cathares étaient eux-mêmes nobles, en tout cas pendant la période florissante du catharisme. Ce qui serait logique, étant donné que la formation de ces ministres demandaient de solides études et que la majorité des gens du peuple n'avaient pas d'instruction. On sait aussi qu'au début du catharisme, de nombreux nobles furent parmi les premiers convertis, et que c'est après la croisade, et pendant l'inquisition que les conversions au catharisme touchèrent les classes bourgeoises et populaires. D'ailleurs cette évolution sociale d'une telle spiritualité dans le temps me parait tout à fait singulière.. .

Bonjour Chantal, j'aurais tendance à partager ta déduction sur l'origine aristocratique des cathares aux prénoms associés à des noms de lieux.
D'ailleurs, ce n'est apparemment pas le cas des roturiers Authier et Bélibaste, dont les patronymes sont d'une autre origine.
Mais est-ce le cas à chaque fois? Je ne saurais dire

Bélibaste et les frères Authier font partie de la" deuxième partie" du catharisme médiéval, située dans l'urgence, la survie. Les croyants se retrouvant sans guides spirituels (car tous exécutés) dans un système de valeurs détruit ( il n'y avait plus que des seigneurs français catholiques "bien pensants" à la tête du pays) durent pour sauver leur religion, recruter leurs nouveaux guides dans d'autres classes sociales.

De façon plus prosaïque j'associe les noms de lieux des consolé à l'endroit où ils ont reçu l'éveil.