J'ai redécouvert ce magnifique sonnet de Ch. Baudelaire dédié au photographe F. Nadar.
L' interrogation poignante du poète laisse transparaître les oscillations de sa foi entre l'incertitude du Salut et le désir inextinguible de connaître l'au-delà. Un sentiment humain tellement vieux en somme!
Dans son rêve le poète est impatient de connaître l'au-delà dont il a peur, mais le voile de la mort semble se lever sur le néant: « …Et quoi! n'est-ce donc que cela?
La toile était levée et j'attendais encore.»
Pas de Salut possible?… L'âme mondaine aurait déployé tous ses charmes pour vaincre l'étincelle divine?
Mais, on peut interpréter aussi cette attente continue comme le retour à la conscience qui met fin au rêve («la terrible aurore») et comprendre alors la mort comme une chose naturelle qui lie le monde réel et le monde caché (l'au-delà). Pour l'esprit non-éveillé la vie est alors un cycle infini et il faut attendre la mort pour une autre vie. Qu'en pensez-vous?
Le rêve d'un curieux
Connais-tu comme moi, la douleur savoureuse,
Et de toi fais-tu dire: «Oh! l'homme singulier!»
-J'allais mourir. C'était dans mon âme amoureuse,
Désir mêlé d'horreur, un mal particulier;
Angoisse et vif espoir, sans humeur facétieuse.
Plus allait se vidant le fatal sablier,
Plus ma torture était âpre et délicieuse;
Tout mon cœur s'arrachait au monde familier.
J'étais comme l'enfant avide du spectacle,
Haïssant le rideau comme on hait un obstacle…
Enfin la vérité froide se releva:
J'étais mort sans surprise, et la terrible aurore
M'enveloppait - Et quoi! n'est-ce donc que cela?
La toile était levée et j'attendais encore.