Le livre d'Enoch

Le livre d'Enoch, dont on retrouve des extraits dans l'épître de Jude, Nouveau Testament, a été écarté par le canon juif de la Bible hébraïque. À l'époque hellénistique, il n'a pas non plus été inclus dans la Bible dite des Septante. Il a été également écarté des livres canoniques chrétiens en 364, lors du concile de Laodicée et il est depuis considéré comme apocryphe par la plupart des Églises chrétiennes. L'Église éthiopienne orthodoxe est la seule à le reconnaître comme canonique. Il a été redécouvert en 1947 parmi les rouleaux de la mer morte à Qumran. (Wikipédia)
Mais pourquoi donc ce texte, vieux de plusieurs millénaires, continue t-il à être repoussé? Il est, me semble t-il, une des sources, sinon la principale, du Nouveau Testament. http://data0.eklablog.com/ae-editions/perso/bibliotheque%20-%20pdf/le_livre_d-enoch.pdf?fbclid=IwAR3of7H_kAnCWvqpiC1bS9gqzHTEwuchKVYXsFMGqAEJK2Rcvd80QS8KNhE

Enigme: comment expliquez vous que dans ce livre d'Enoch, éliminé de la Bible, la Septante, par Ptolèmée en 270 av J.C et ce jusqu'en 1947 sa redécouverte et encore aujourd'hui par la Grande Eglise, je retrouve, à ce jour, 8 novembre 2021, 86 copies, parallèles, concordances, ressemblances avec les dits du recueil des paroles de Jésus par Thomas?
Comment expliquez vous que par dizaines, et sans jamais citer Enoch, Marc, Matthieu, Luc, Jean, Jude y sont allé faire leur emplettes d'inspirations et de versets?

C'est un habitude récurrente pour les judéo-chrétiens d'utiliser l'Ancien Testament et d'autres textes juifs pour tenter de convaincre du lien entre leur Jésus et David.

Qui est Enoch?
Vous comprendrez certainement le trouble d'une néophyte face à des textes si contradictoires.
D'un côté, l'apocryphe bogomile (fin onzième, douzième siècle) provenant d'après D.Roché d'un fragment de la "Mémoire des Apôtres", ouvrage mystique des premiers manichéens et qui s'inspirerait lui-même des livres d'Enoch manichéens ('selon R.Nelli).  Dans ce texte appelé "Interrogatio Johannis" ou "La Cène secrète", Christ apprend à Jean qu'Enoch écrivit sous la dictée de Sathanas 67 livres pour cacher aux hommes le royaume des cieux. Christ sera envoyé sur terre par Dieu pour rétablir la Vérité auprès des hommes.
D'un autre côté, les  apocryphes de l'A.T, livres prophétiques dont le récit s'arrête à la naissance de Noë, avant le déluge. La composition de ces livres s'étire sur une période allant d'avant le troisième siècle jusqu' au premier siècle de notre ère. ( le livre des songes aurait été composé vers 160 avant notre ère). Or, dans ces textes, Enoch est scribe de justice, messager de Dieu auprès des anges corrompus sur terre. Etonnant ces deux rôles selon les diverses sources!
Bien qu'intriguée par ce troublant personnage, je me suis régalée à lire ses péripéties qui n'ont rien à envier ni  à la mythologie grecque, ni à l'apocalypse de Jean, ni aux contes et légendes que je connais. On trouve toutes les explications possibles et imaginables dans cette épopée au sujet de la création du monde et de l'univers, comme dans la genèse de tout ce qui vit. Une riche cosmogonie nous fait nous balader parmi les anges corrompus (selon leur libre arbitre, me semble-t-il), les ophaniums qui veillent sans cesse, les archanges, les démons, et il est intéressant de noter les nombreux emprunts aux diverses mythologies plus anciennes.
Azazel, démon du désert pour les anciens Hébreux et les Cananéens, Samaël androgyne de la Kabbale, successivement incube et succube, ou  associé à Jaldabaoth ,un des maitres du mal chez les gnostiques, ou encore Ange de la planète Mars , responsable du mardi, jour de Mars dans la tradition populaire.
Les démons eux aussi nous viennent de très loin: Léviathan est Cétus que Poséidon envoie pour détruire un royaume phénicien  dans la mythologie grecque, ou Kraken,la pieuvre géante aspirant les navires dans les abysses selon la mythologie nordique.
Quant à Béhémoth, joint à Léviathan , il est d'origine babylonienne: ce sont les deux monstres primordiaux du chaos (Tianat et Kingu). Dans Baruch syriaque (xxxix,4), les deux être apparus au cinquième jour de la Création, seront servis en nourriture aux justes le jour du grand banquet messianique.
Dans des paysages habités par des arbres aussi merveilleux que rares, on participe à la création et à l'explication du monde, de l'univers, des " luminaires" (avec encore des emprunts à la mythologie grecque), du temps qui se déroule et du temps météorologique ,avec l' image poétique et naïve des portes des vents , personnages  déifiés tout puissants apportant bénédiction ou désolation selon leur humeur. . .  Oui, vraiment cette épopée n'a rien à envier à tout autre mythe sur la création, et mérite d'être lue plusieurs fois.
Chapitre 81: "ô mon fils Mathusalem, je t'ai tout dit, tout écrit; je t'ai tout révélé , et je t'ai donné un traité sur chaque chose. Conserve mon fils les livres écrits de la main de ton père, et transmets-les aux générations futures."
Dans la cène secrète, les 67 livres écrits par Enoch sont conservés sur terre et transmis à ses fils. Qui sait?  cette " Cène secrète" ,à l'origine était-elle, elle aussi peut être  pourvue d'un texte aussi riche que celui -ci?
Quoiqu'il en soit, il est clair que le Dieu de cette épopée, bien que jamais nommé Yahvé, lui ressemble étrangement. Un joli texte à cogiter oui. Mais à méditer, je ne pense pas. . .

Tu comprends pourquoi je mets régulièrement en garde les sympathisants et croyants cathares contre la tentation de l'exégèse.
On ne se lance pas sur une moto de course si l'on n'a pas appris à rouler en vélo d'abord.
Tous ces textes, écrits par des hommes, et quasiment jamais ceux dont le nom est associé au texte, sont destinés à justifier un point de vue d'un groupe donné à une époque donnée.
Concernant le catharisme, ce sont les textes cathares et quelques parties de textes de l'AT, ainsi que du NT qui doivent vous occuper à plein temps. La Cène secrète est un texte à visée clairement ésotérique qui n'est pas validée puisque justement on l'appelle apocryphe.

Voilà pourquoi, il est important d'avoir connaissance de ces textes, n'est-ce pas? Car seul le choix de quelques "milieux autorisés" décide in fine ce que l'on présentera à la face du monde. Or, personne ne détient la Vérité, surtout dans le domaine religieux. Donc, merci à toi, Guilhem, de nous permettre de les connaitre.
Guilhem a écrit: "Mais pourquoi donc ce texte , vieux de plusieurs millénaires, continue t-il à être repoussé? Il est me semble t-il ,une des sources, sinon la principale, du N.T."
Serait-ce la peur de ne pouvoir réhabiliter(dans l'esprit de leurs croyants) l'image des Anges corrompus par leur terrible faute, qui aurait convaincu la plupart des Eglises de définir de tels écrits comme apocryphes?

Il faut imaginer la fin du premier siècle et le suivant, sur le plan de la transmission des savoirs de ce qui formerait les christianismes, comme un sacré foutoir.
Faute de communication globale, chacun y allait de sa vision personnelle qui devenait un dogme géographiquement limité. Aussi, quand la «grande Église» décida de se doter d'un corpus documentaire unificateur, il fallut faire des choix et trouver des textes qui soient acceptés de tous. Cela explique le grand nombre de textes apocryphes qui n'étaient simplement pas universellement reconnus.
Mais la pression de l'Église marcionite, qui disposait elle d'un corpus documentaire uniforme et efficace, nécessitait cette réaction.

Veuillez excuser mon erreur; je viens de me rendre compte que c'est José qui avait posté ce sujet. Merci à José donc , pour ce texte offert