Après avoir lu la Messe de Sainte Marie, Mère de Dieu et le numéro de Mythologies qui lui est consacré, je suis toujours aussi décontenancée face à l'image de ce personnage telle qu'elle est véhiculée par l'Église catholique.
Les précédents mythologiques de Marie ne manquent pas de couleurs:
Sans parler d'Inanna, une des plus anciennes mères divines connues, ou d'Isis, Ishtar ou encore Astarté , c'est en 431 au Concile d'Éphèse, que Marie est officiellement proclamée Théotokos «Mère de Dieu». Un siècle et demi plus tard est instaurée la fête de l'Assomption, montée au Ciel de Marie, comparable à l'apothéose des impératrices-mères romaines Faustine la Jeune, épouse de Marc Aurèle et Julia Domna, épouse de Septime Sévère. On peut s'accorder avec Christian-Georges Schwentzel ( professeur d'histoire ancienne à l'université de Lorraine) pour dire que la naissance de Jésus, enfant de Dieu, par l'intermédiaire d'une jeune fille vierge est plus proche de la mythologie gréco-romaine que les précédents bibliques. La différence réside alors dans la «désexualisation chrétienne» de cette union. Le pneuma «Esprit» ou souffle divin et immatériel, principe fécondant lors de la création du monde (Genèse 1,2)remplaçant le phallus divin des légendes gréco-romaines.
La conception virginale n'est pas , non plus une nouveauté chrétienne. Plusieurs siècles avant les Évangiles, la déesse
Athéna est dite
Parthénos (= Vierge en grec) . Or, Athéna est mère d'un fils né "miraculeusement". Le dieu Héphaïstos, divinité de la forge, excité par la beauté de la vierge déesse, avait éjaculé sur la cuisse de cette dernière. La Parthénos qui entendait le rester l'avait repoussé avec dégoût et essuyé le sperme d'un revers de main qui tomba dans la terre. La semence divine fécondée par la terre, Gaïa, donna naissance 9 mois plus tard à Érichthonios, considéré comme le fils de la déesse. Athéna, demeure perpétuellement vierge, totalement vierge si l'on peut dire. Ce qui n'est pas le cas de Marie. Son problème , en effet, c'est bien qu'elle est à la fois Vierge et enceinte. La spiritualisation de la conception n'est que partielle car l'incarnation n'est que repoussée dans le temps puisqu'elle accouchera. Sa spécificité réside dans le fait d'être bien la seule vierge a avoir connu un accouchement.
Christelle Fairise , docteure en lettres associée à l'équipe «Exégèse biblique, littérature et histoire religieuses» remarque dans son article que si la croyance en une conception de Marie exempte du péché originel ne posa pas de problème en Orient, ce fut différent en Occident.
La fête de la Conception de Marie (conception miraculeuse par ses parents) célébrée à partir du VIIIe siècle en Orient (le 8 décembre) fut introduite dans la seconde moitié du XIe siècle en Occident où elle posa problème à cause de son origine apocryphe et de son absence de fondement biblique. Une première querelle dura jusqu'au XIIIe siècle au sujet de la
Conception (cf. Augustin puis Bernard de Clairvaux); Marie conçue par Anna et Joachim, ses parents, cette conception est donc empreinte d'un plaisir coupable. Il est intéressant de noter alors que le développement de cette fête se poursuivit malgré les querelles intestines entre clercs. Une deuxième controverse verra le jour à partir du XIIIe siècle au sujet de la
Rédemption.
Pour Thomas d'Aquin (1225-1274) si Marie avait été conçue exempte du péché originel, elle n'aurait pas eu besoin d'être rachetée lorsque Jésus se sacrifia sur la croix pour le rachat de toute l'humanité. La discorde perdurera jusqu'à la moitié du XIXe siècle, avant que la croyance en l'Immaculée Conception devienne un dogme. C'est finalement pour répondre aux réclamations de huit millions de fidèles dans le monde que le pape Pie XII ,après avoir consulté les évêques du monde entier a instauré solennellement à Rome le
dogme de l'Assomption de Marie le premier novembre 1950, un nouveau dogme encore une fois digne du paradigme merveilleux judéo-chrétien qui raconte que le corps de Marie au moment de sa mort a été préservé de la dégradation du tombeau puis, défiant toute loi de la gravité, élevé en corps et âme à la Gloire céleste.
Et pour finir , en cadeau, la bulle du Pape Pie X du 8 décembre 1854:
- Citation :
- « Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine, qui tient que la bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception par une grâce et une faveur singulière du Dieu tout-puissant, , en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel, est une doctrine révélée de Dieu, et qu'ainsi elle doit être crue fermement, et constamment par tous les fidèles.»
Et bien non! Ma foi n'est pas celle du charbonnier! Si le rôle que le pape lui impute dans cette bulle pût être un temps plus enviable que celui de la femme adultère sous la loi de Moïse, ou celui de la Marie volage du Talmud de Babylone, et j'en passe… il reste néanmoins un modèle imposé par des clercs visant à cantonner la femme dans la société civile patriarcale. Pour moi cette représentation religieuse de la femme, même tardivement divinisée ne ressemble à rien de spirituel, mais n'a été qu'un instrument ( variable dans le temps) d' une Église toute puissante , pour asseoir sa suprématie et son mode unique de penser et de vivre une spiritualité toujours plus défaillante .Le seul personnage allégorique crédible de Marie est pour moi le concept cathare d'esprit particulier, à l'instar des anges gardiens envoyés par le principe du Bien , venus apporter assistance à Christ dans sa mission. L'avantage avec les Anges, c'est bien qu'ils n'ont pas de sexe! La preuve de leur réelle pureté.