Du vol du feu des Dieux au transhumanisme du XXe siècle, le mythe de Prométhée, est l' expression d'une révolte humaine qui ne s'apaise pas.
Les philosophes s'accordent à dire qu'en volant le feu aux dieux pour l'offrir aux humains, Prométhée sauve l'humanité de la mort programmée par la colère de Zeus.
L'humanité devient alors la seule espèce capable de produire ses propres conditions d'adaptation. L'humain arraché à la bestialité grâce à ce don du feu va enfin pouvoir se réaliser en développant ses arts et techniques. C'est en effet la lecture qui ressort de la tragédie d'Eschyle (-525/-456 environ) dans son « Prométhée enchaîné». C'est le symbole de la révolte humaine contre les dieux telle que l'ont révélé Goethe et Albert Camus.
Mais comme le remarque Platon (-428/-347) dans son « Protagoras» (dialogue de Platon) [1] les hommes continuent de s'entretuer dès qu'ils s'assemblent, et parce qu'ils ne parviennent pas à vivre en communauté sans savoir distinguer le bien du mal, pour les retenir d'utiliser tous les moyens de satisfaire leurs intérêts, Zeus ordonne à Hermès de leur apporter la justice et la honte. On sait que Zeus est un dieu semblable à Iahvé jonglant avec le bien et le mal ( capable des pires atrocités comme ici avec Prométhée).
Le siècle des Lumières avec son florilège de découvertes scientifiques et technologiques et sa révolution industrielle devient à son tour une autre illustration du mythe de l'humain conquérant, appliquant son savoir scientifique à nous rendre « maîtres et possesseurs de la nature» selon le
discours de la méthode, sans prise de conscience de l'aliénation cachée de l'homme par le travail industriel, de la femme par un pouvoir bourgeois patriarcal…
Puis vient le transhumanisme (cf. être humain augmenté), dernière version éclatante du mythe. Ce courant de pensée préconise l'usage des sciences et techniques (biologie, intelligence artificielle, etc.) pour augmenter les capacités physiques et mentales de l'individu, supprimer le vieillissement, les maladies, voire probablement la mort. Ce mouvement affirme, bien sûr, se préoccuper des dangers comme des avantages que présentent de telles évolutions.
Prométhée le titan malgré les risques encourus est le philanthrope qui a choisi les hommes contre la dureté des dieux de l'Olympe. Il déclare dans la tragédie d'Eschyle:
- Citation :
- Écoutez comment des enfants qu'ils étaient j'ai fait des êtres de raison, doués de pensée».
Avec un regard cathare, on peut s'interroger sur la valeur de ce don: était-ce vraiment un bien, où un mal caché tel le don de Pandora?
Le plus étonnant dans ce mythe est pour moi la pérennité de cette révolte primaire, d'abord dirigée vers les dieux, et qui devient révolte contre la condition humaine, avec, latent, ce désir de devenir Dieu, ou immortel. Alors qu'on voit aujourd'hui cette même humanité se débattre contre les effet causés par ce surcroît mal maîtrisé de technologie et qu'on continue à croire que tout problème engendré par la technique (comme par exemple le dérèglement climatique) peut être résolu par un développement technique supplémentaire, une autre réponse plus sage est là, dans la pensée de Platon: La technique ne pose pas que des problèmes techniques, mais doit être comprise dans un choix politique. Il s'agit de se demander ce que l'on veut sauver.
[1] Pour Platon et Socrate, le Dieu est la mesure de toute chose. Pour Protagoras, le sophiste, l'homme est la mesure de tout chose.