Rendez-vous cathare du 7 septembre

La date approche et vous n'avez pas proposé de sujets de discussion.

Bonjour Guilhem, je ne pourrai être présent le 7 septembre et je vous prie de bien vouloir m'en excuser.
 
Un thème récurrent sur le forum abordé par les nouveaux venus est celui des ouvrages les plus pertinents pour commencer et pour progresser. Je me disais que cela pourrait être un bon sujet d'échanges et de commentaires car chacun a abordé le catharisme sous des angles différents et via des lectures diverses et pourrait faire part à l'auditoire de ses recommandations. Ce d'autant plus que de récents ouvrages d'Anne Brenon et Roquebert (ouvrage posthume si je ne me trompe pas) ont été publiés et mériteraient d'être discutés. 

Le sujet peut aussi être élargi aux vidéos, programmes TV et autres œuvres traitant de près ou de loin de la religion cathare, tels que bandes dessinées, peintures, etc. 

Bonne journée, chers amis!

Cela vous dirait-il de discuter du prêche de Noël de Bélibaste qui se réfère à la prophétie d'Isaïe (registre de J. Fournier, p 982,983? Si oui, je le tape, ici même pour que vous puissiez le lire. Sinon,je le remets dans ma chemise.

Oui.

On peut lire La vision d'Isaïe  accompagnée de l'analyse de Guilhem, sur le site: Église cathare de France→ Écrits chrétiens et gnostiques → Ascension d'Isaïe  
Er voici le prêche de Bélibaste, transmis à l'inquisiteur par Pèire Maury.
« On trouve dans la prophétie du prophète Isaïe qu'il y avait un Bon Homme qui se mit à avoir des doutes au sujet de la foi des Bons Hommes, à cause des mots qu'il avait entendu dire à d'autres Bons Hommes, qui étaient en désaccord entre eux, et aussi en raison de ce qu'il avait lu. Il se mit alors à lire dans les livres, pour savoir s'il avait une foi bonne ou mauvaise. 
Et il lut trois jours et deux nuits, sans se lasser ni s'endormir. Comme il lisait ainsi, vint à lui un ange du Père saint, qui lui demande pourquoi il avait des doutes sur la foi des Bons Hommes. Il lui répondit que c'était à raison de certaines choses qu'il trouvait dans les livres, et aussi parce que les Bons Hommes étaient en désaccord sur la foi. L'ange dit alors au Bon Homme: « Ne doute pas. Monte sur mes épaules». Le Bon Homme y monta, et l'ange monta avec lui jusqu'au premier ciel. Ils y trouvèrent un peuple très heureux, qui avait au-dessus de lui un seigneur qui lui prêchait. En le voyant, le Bon Homme voulut l'adorer. L'ange lui dit: «Que veux-tu faire?». Le Bon Homme répondit qu'il voulait adorer le Père. L 'ange lui dit que ce n'était pas le Père, mais que c'étaient des esprits, qui n'avaient ni le Bien ni le Mal en partage, et qu'il en serait ainsi jusqu'au jour du Jugement. Ils priaient sans cesse le Père d'avoir pitié d'eux. Puis l'ange le porta sur ses épaules jusqu'à un autre ciel, le second. Il y trouva un peuple beaucoup plus beau que celui du premier ciel, qui était également dans la paix, qui avait un seigneur au-dessus de lui, qui lui prêchait aussi. Le Bon Homme, voulant l'adorer, en fut empêché par l'ange qui lui dit que ce n'était pas le Père. Et il fut porté de la même manière au troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième ciel. Et plus ils montaient, plus le peuple était beau, et il y avait un seigneur lumineux. Le Bon Homme voulait les adorer tous, croyant qu'ils fussent le Père. Cela lui fut interdit par l'ange, jusqu'à ce qu'il arriva au septième ciel où était le Père saint. Il y avait là une grande lumière, et un peuple très beau. Tous avaient des couronnes qui étaient beaucoup plus lumineuses que le soleil. Et tous ces peuples des sept cieux chantaient le cantique de Sion. Mais ceux du haut chantaient mieux parmi tous les autres. Et cet endroit était très beau; il y avait là des anges et tous les Bons Hommes et  les Bonnes Femmes. Les âmes des femmes et des hommes ne différaient pas entre elles. C'est dans la chair des hommes et des femmes que Satan, le seigneur de ce monde, avait fait une différence, toutefois avec la permission du Père saint, dont toutes les œuvres demeurent éternellement, et ne peuvent être détruites. Mais les œuvres de Satan, seigneur de ce monde, prennent naissance et se détruisent. Et comme la chair des hommes et des femmes est détruite, elle est l'œuvre de Satan, mais les âmes sont l'œuvre du Père saint. Quand il fut au septième ciel, l'ange dit au Bon Homme d'adorer le Père saint, car c'était lui le Père saint, du peuple d'Israël (c'est-à-dire des hérétiques); et le Bon Homme l'adora.
Quand il l'eut adoré, il demanda au Père saint de rester là désormais. Le Père saint lui répondit qu'il ne pouvait pas y rester, car aucune chair née de la corruption ne pouvait le faire; mais il fallait qu'il retourne dans le monde et affermisse ses petits enfants, « car là où est un de ces petits, je serai avec lui, et là où ils sont deux, de même, et de même là où ils sont trois» ( Matt. 18-20). Le Bon Homme disant: «Père saint, comment revenir au monde d'en bas? »?, le Père saint répondit: « Ne m'appelle pas Père, car je ne suis pas ton Père, puisque tu as douté; il faut que tu descendes an monde d'en bas, et que tu y laisses ta tunique, c'est-à-dire le corps, conçu à partir de l'impureté; ensuite ton âme, quand elle aura quitté son corps, viendra ici». 
Le Bon Homme était resté longtemps au ciel, mais il ne lui semblait pas qu'il y avait séjourné, en raison de la grande félicité qui y régnait. Puis l'ange le ramena au monde d'en bas. Par la suite, l'homme prêcha ce qu'il avait vu, et fonda  et raffermit beaucoup le fait des hérétiques. Mais il ne révéla ni ne sut pas tout ce qui touche à leur foi, car aucun homme à lui seul n'a connu tous les secrets de Dieu. Mais les hommes entre eux les connaissent tous. 
(Bélibaste) disait cependant que celui qui ne savait qu'un mot de leur secte serait aussi bien sauvé que celui qui savait tout ce qui la concernait. Je lui demandai comment le Père saint faisait autant de divisions dans son peuple. Il se tut.

Bonjour Chantal, merci beaucoup de ce sujet et d'avoir relayé le prêche de Guilhem Bélibaste. 

Deux passages m'ont particulièrement intéressé:

- "C'est dans la chair des hommes et des femmes que Satan, le seigneur de ce monde, avait fait une différence, toutefois avec la permission du Père saint, dont toutes les œuvres demeurent éternellement, et ne peuvent être détruites". 


Pour permettre, il faut pouvoir interdire, c'est à dire opposer un refus qui sera suivi d'effet. Or le principe du Bien ne peut rien opposer au principe du Mal. Que voulait donc dire Guilhem Bélibaste? Est-ce un relent de dualisme mitigé?


- " celui qui ne savait qu'un mot de leur secte serait aussi bien sauvé que celui qui savait tout ce qui la concernait".


C'est la grâce de l'Esprit qui sauve in fine. Ceci dit, "celui qui ne savait qu'un mot de leur secte" est a priori un croyant et donc un éveillé. D'où l'importance de l'éveil qui fonde le croyant, membre a part entière de l'Ecclésia cathare. Le savoir s'acquiert ensuite au contact des Bonnes Dames et des Bons Hommes, via leurs prêches en langue occitane et leur exemple de vie en conformité avec la règle de Justice et de Vérité.

Bon après-midi les amis!

Surprenant le prêche de Bélibaste! 
Les connaissances qu'il y étale  sur l'AT, le NT, les apocryphes d'Enoch et de Thomas vont bien au delà du savoir d'un simple berger analphabète du moyen âge.
Comment a t-il fait pour être aussi brillant?

Bonsoir ami gnostique (j'aime cette appellation de Chantal), à mon avis, rien de très surprenant. Le simple berger analphabète a vraisemblablement été progressivement formé au contact des Bonnes Femmes et des Bons Hommes qu'il a côtoyés et il devait sûrement avoir une bonne mémoire puisque l'oralité prédominait en ces temps-là. Par ailleurs, les récits tels que l'AT, le NT et les apocryphes, à force d'être écoutés, sont relativement faciles à se remémorer car ils sont marquants par leur style et leur contenu. Ainsi, je cite souvent le NT, que j'écoute et lis régulièrement, de manière parfaitement naturelle lorsque je discute avec ma fille. Ayant été bien formé et étant convaincu du bien fondé de sa cause, Bélibaste a su restituer à sa façon les enseignements reçus de bouche à oreille.

Quelques -unes de ses libres-interprétations  ne sont pas toujours recevables, mais l'émotion nous gagne face à sa sincérité.

J'avoue ne pas être ému à proprement parler par ce prêche, qui est une allégorie classique de la montée au 7ème ciel adaptée aux croyances des cathares. 
Bélibaste s'efforce d'être convaincant et il place au bon moment du récit les préceptes fondateurs cathares tels qu'il les a retenus. Si ce prêche est bien de lui, il montre que Bélibaste est devenu un prédicateur qui sait adapter son discours à son auditoire en donnant à entendre des récits fantastiques à la mode de leur temps, auxquels les gens sont habitués (montée au septième ciel, que l'on retrouve entre autres chez Dante si je ne m'abuse) et qu'il accommode des préceptes cathares les plus faciles à mémoriser. 
Je ne suis pas gagné par l'émotion, mais plutôt par une forme d'admiration pour les qualités de prédicateur que Bélibaste aura su développer par delà les soubresauts d'une existence pour le moins bouleversée par le cours des événements.

Pierre a écrit:

Si ce prêche est bien de lui,

Comme Pierre, c'est la question que je me pose. 
Pourquoi? Mais parce que on est sur un récit de quatrième main, au minimum, dont un de l'inquisition.

Je viens d'envoyer le code Skype. Surveillez votre boîte courriel (et spam si nécessaire).

Je ne pense pas que Bélibaste s'identifie au Bon Homme qu'il met en scène dans son prêche. Ce Bon Homme se substitue à Isaïe dans la vision d'Isaïe. Le Bon Homme ne reconnait pas le Père, tout comme les anges ne reconnurent pas Christ lors de sa kénose à travers les cieux, tout comme les disciples  ne comprennent pas toujours le message christique. Le voyage au septième ciel semble une interrogation sur la foi. De retour, dans les deux cas, pour Isaïe comme pour le Bon Homme, le doute n'est plus possible: 

Citation :

Et Isaïe lui fit promettre de ne pas parler au peuple d'Israël, et de ne donner ses paroles à transcrire à aucun humain.

Et le prêche de Bélibaste:

Citation :

Mais il ne révéla ni ne sut pas tout ce qui touche à leur foi, car un homme à lui seul n'a connu tous les secrets de Dieu. Mais les hommes entre eux, les connaissent tous.

Comme moi, tu sembles avoir un doute sur le récit du Bon Homme, Bélibaste, monté au ciel voir le Père.
Cependant, la raison invoquée résume bien ses préoccupations du moment, ici bas, aux alentours de Montaillou et des Pyrénées selon le procès et les réquisitions de l'inquisition.
Quand à son prêche, où, un simple berger cathare du début du 14e siècle aurait il pu trouver, et exploiter, aussi souverainement toutes ces connaissances, lui qui ne sait pas lire, nous dit on. Et le latin, qui le lui aurait enseigné? Il nous parle d'Isaïe, de l'AT.

Je vais rester dubitatif et vigilant. 

On ne peut  rien  affirmer sur le pseudo analphabétisme du berger devenu Bon Homme, mais on sait en revanche que l'enseignement dispensé par Félip d'Alayrac était de qualité. Bélibaste était probablement doué d'une très bonne mémoire et a pu apprendre par cœur les connaissances qu'il devait  à son tour diffuser auprès de ces croyants. Il semble aussi que les prêches des derniers Bons Hommes aient énormément marqué les croyants de la communauté en exil, ces derniers  parcourant parfois  des kilomètres à la recherche d'un Bon Homme et faisant fonctionner le bouche à oreille dans les montagnes, ( grâce aux   bergers- passeurs) pour signaler le lieu où l'on pouvait rencontrer un Bon Homme sans le mettre en danger.  J'imagine que le dernier prêche connu par un ou plusieurs privilégiés, devait être aussitôt répété à l'envi, au sein de la communauté. Le prêche du Bon Homme sur l'Apocalypse est remarquable à ce sujet, raconté de mémoire par Pèire Maury et Arnaud Sicre, lors de leur déposition respective, des années après.