À l'entrée «Trinité», nous pouvons lire une analyse très pointue de la situation socio- politico- religieuse du treizième siècle. Je ne résiste pas au désir de partager. Michel Roquebert et Patrie Teisseire-Dufour écrivent:
Citation :
Les cathares n'étaient pas les seuls à remettre en question la présence réelle du Christ au profit du Saint -Esprit. Dès 1050, Béranger de Tours avait affirmé que le Christ ne pouvait être réellement dans l'hostie, mais en présence «figurée» […] Cent ans plus tard, Joachim de Flore, élabora une conception prédisant qu'on allait entrer dans l'âge du Saint-Esprit et de l'Évangile éternel. Le concile œcuménique du Latran coupa court , en 1215, à cet impérialisme du Saint-Esprit, en formulant solennellement le dogme de la transsubstantiation du pain et du vin en corps et en sang réels de Jésus -Christ, condamnant les idées de Joachim de Flore et des cathares.
Il est profondément affligeant de voir comment une idée dominatrice, aussi bête soit-elle, peut asservir tout esprit qui cherche à se libérer. Effectivement comme l'expliquent les auteurs, l'enjeu était de taille dans la prise de pouvoir sur le monde.
Citation :
Sauver la Trinité, c'était sauver le modèle féodal, ou du moins sauver sa caution transcendante. Grâce aux diverses suzerainetés qu'exerçait le Saint-Siège et aux nombreuses seigneuries ecclésiastiques, il était partie prenante du système féodal. Par ses propres mécanismes judiciaires, il gérait de considérables réseaux économiques de production, de distribution et de consommation; ayant le monopole de l'enseignement, et presque entièrement celui de la culture et des arts […]
Le schéma triparti apparu vers 1180,( ceux qui prient, ceux qui travaillent, ceux qui combattent) se revendiquant d'ordre divin constituait ainsi sa légitimité d'ordre naturel de la société humaine. La pensée cathare n'adhérait pas à cet ordre mais proposait au contraire, par son mode de vie évangélique , un rapport nouveau de l'être humain à la religion:
Citation :
En fondant sur les Écritures la nécessité pour l' ordonné de travailler (qu'il soit homme, femme, d'origine noble ou pas) le catharisme ôtait au travail sa connotation infamante et humiliante[…]
On prend alors ici la mesure de ce qu'aurait pu être la société cathare sans la répression qui l'anéantit. En abattant un système de castes, les cathares proposaient de nouvelles valeurs de sociabilité , de nouveaux rapports dans le monde du travail et de réelles mutations dans les mentalités.