L'idée d'un christianisme pur

A la suite de sa traduction du "Marcion" de A V. Harnack,  Bernard Lauret a écrit un article intitulé "l'idée d'un christianisme pur", article dans lequel il propose une synthèse des travaux entrepris sur Marcion avant l'étude de Harnack. Trois auteurs sont cités, Schelling (1775-1854), F C Baur (1792-1860), et A R Ritschl (1822-1899). L'analyse du travail de ce dernier par Bernard Lauret a éveillé ma curiosité. Cet auteur était un des chefs d'un mouvement auquel se rattachait A V Harnack. Ritschl s'est particulièrement intéressé à la genèse et aux parallélismes propres aux évangiles synoptiques .En 1817 et 1832 Schleiermacher et E G Paulus énoncent la théorie des" fragments" antérieurs aux évangiles; la théorie des deux sources (un proto-Marc et des logia ou source Q sur laquelle on travaille toujours , aujourd'hui). Ritschl formule alors l'hypothèse suivante: l'évangile utilisé par Marcion pourrait jouer par rapport à Luc le même rôle que celui joué par l'évangile aux Hébreux apocryphe par rapport à Matthieu. Cette thèse, précise B Lauret, présuppose que l'on sait déjà que l'évangile de Matthieu expose le point de vue des judéo-chrétiens alors que celui de Luc est plutôt celui des pagano-chrétiens. D'ailleurs, en 1783 Semler avait déjà suggéré que les évangiles de  Marcion et Luc pouvaient être des recensions  venues  d'un christianisme primitif combattu par le judaïsme. Pour Ritschl , l'évangile de Marcion n'est pas une correction de l'évangile de Luc, mais une étape antérieure. En tant qu'historien, précise Lauret, Ritschl  établit que l'évangile de Luc joue un rôle de médiation entre le point de vue judéo-chrétien représenté par Matthieu et l'"extrémisme" de Marcion qui rejette le judaïsme. L'évangile de Luc, précise Lauret, tout en reflétant une vie de Jésus -qui après correction de Marcion- selon les principes pauliniens ( distinction juifs païens, droit des païens à entrer dans le Royaume, Christ vainqueur du Mal, etc.) , donne aussi le point de vue judéo-chrétien ( le respect de la Loi, l'accomplissement des promesses, etc.)

Intéressante lecture qui nous rappelle que les textes, que nous considérons souvent comme orignaux, sont en fait passés par de nombreuses mains qui les ont amendés selon leur vision.

Il faut faire un lien entre le christianisme originel et la philosophie grecque. Comme Platon l'explique, notamment dans Phèdre l'exercice de la philosophie ne peut pas être strictement intellectuel ; il faut aussi vivre en philosophe.
Autre point essentiel, un philosophe ne peut se faire comprendre d'une autre personne si elle n'a pas commencé à faire sienne les bases du concept philosophique. 
C'est pareil pour le christianisme authentique : il faut le vivre au lieu de seulement le penser et ne pas chercher à le faire comprendre profondément à des personnes qui n'ont pas encore commencé leur propre cheminement. Sans doute une explication de l'expression : on ne donne pas de perles à un cochon.

Le catharisme, qui se pense être un christianisme originel et exempt des scories qui lui furent ajoutées dans une volonté de pouvoir, prône le détachement du monde pour ceux qui veulent avancer sur le chemin qui mène au salut.
Ce détachement ne saurait être superficiel ou temporaire et en ce sens il est une volonté de mourir au monde, car le monde est une volonté de vivre comme l'explique fort bien Schopenhauer.
C'est en cela que le cathare parle de faire mourir l'Adam originel pour permettre la résurrection du Christ qui est en nous. Cette séparation de notre part charnelle et de notre part spirituelle est une sorte de mort, comme l'explique fort bien Socrate dans Phédon : «[…] ceux qui, au droit sens du terme, se mêlent de philosophie, réellement s'exercent à mourir et qu'il n'y a pas d'hommes qui aient, moins qu'eux, peur d'être morts.»

La belle phrase!