Le mythe de la tête d'âne

"Pour en finir" avec «La philosophie du catharisme» de R. Nelli, je me trouve face à un écueil quant à son interprétation du « Mythe de la tête d'âne». Quelque peu contrariée, je compte sur vos  avis personnels pour "démêler la pelote de mes doutes". 
Cette histoire tirée du Registre d'inquisition de l'évêque Fournier est de facture très répandue que l'on peut rencontrer, avec quelques variantes évidemment chez les Celtes, les Germains , dans le folklore irlandais comme dans l'occitan. La version cathare que nous connaissons tous (disponible sur le site) et résumée par R. Nelli se termine ainsi:

Citation :

Ils vont consulter un Bonhomme qui leur dit:« a) que l'âme reste attachée au corps tout le temps qu'il vit;                                                                                                                           b) mais que l'Esprit en est séparable: «il va et vient».

Je vous livre maintenant l'interprétation de R. Nelli:

Citation :

« Selon le catharisme classique (XIIème et XIIIème siècles) l'Esprit n'habite pas le corps: il en est même toujours séparé. Le Bonhomme fait donc un énorme contresens en supposant que la transcendance de l'Esprit équivaut simplement pour lui au pouvoir «d'aller et venir» dans le corps. C'est l'âme, au contraire, qui bien que liée au corps, a la possibilité de le quitter momentanément. C'est elle seule qui peut «aller et venir». […] Au siècle précédent, un cathare instruit aurait dit plutôt: « Il y a deux substances dans l'homme, l'une rationnelle , l'Esprit (les véritables pensées viennent de lui ), lequel n'est pas dans le corps et n'y pénètre jamais; l'autre , irrationnelle, l'âme (qui n'a de pensées que lorsqu'elle est éclairée par l'Esprit).

Je ne suis pas du tout d'accord avec cette la vision de R. Nelli au sujet de l'âme et de l'Esprit  et je trouve qu'il prend une bien grande liberté à penser à la place d'un cathare du XIIIème siècle. 
Cette âme irrationnelle qu'il nous décrit n'est donc pas mondaine, car ses pensées éclairées par l'Esprit  ne pourraient être que toujours et seulement bonnes. Or , nous savons très bien que ce n'est pas le cas. 
Mais parle-t-il néanmoins de l'âme spirituelle ( ou esprit saint) ? Je ne pense pas puisqu'il la distingue de l'Esprit. 
Bref, personnellement, il ne fait que "m'embrouiller". 
Et ça empire au fil de sa lecture:

Citation :

il est exact, certes, que lorsque le croyant recevait le Consolamentum , son âme était censée se réunir à son esprit. De sorte qu'il était l'objet d'une double spiritualisation: la première résultait du «mariage» de l'âme avec son esprit… 

Vraiment approximatif, cette explication du « mariage mystique». Personnellement, j'en ai retenu que le «mariage mystique» est la réunion de notre âme spirituelle (esprit saint) avec son esprit spirituel demeuré ferme au sein de l'empyrée divin. Soit, le retour à l'Unité divine, ou «Retour à la maison du Père» comme aime à le dire José.
C'est croquignolet de trouver ce  reliquat de  judéo-christianisme chez Monsieur Nelli quand on sait  que par ailleurs il le  reprochait   souvent à Christine Thouzellier.

C'est à la fois une vision romantique et anthropomorphique. Elle est très répandu en dehors de la communauté ecclésiale cathare.
Le problème tient d'abord à une mauvaise analyse des témoignages de croyants, voire de simples témoins désireux de préserver leur avenir, qui pousse à essayer de trouver des termes susceptibles de convenir à l'Inquisiteur et aux dogmes catholiques. Ensuite, analyser la pensée spirituelle cathare sans être éveillé est très difficile, voire impossible, ce qui explique le tarabiscotage des explications de Nelli.